Conjointement à la prise en compte par la société de l'ensemble des besoins d'un individu, une démocratisation des institutions européennes est indispensable.
Il faut bien distinguer et opposer deux concepts fondamentaux : la
gouvernance d’une part, la démocratisation des institutions d’autre
part. Face à son déficit démocratique,
l'Europe a besoin, non d'une simple gouvernance, mais d'une
démocratisation en profondeur de ses institutions. Le concept de
gouvernance,
avancé par la Commission européenne, vise à aménager le triangle
institutionnel. C’est une simple mise à jour pour adapter les
institutions à un système économique et à l’esprit néo-libéral des
traités, tel l’ouverture des services publics à la concurrence, et la
marchandisation de l’éducation, de la santé et de la culture, ainsi que
le prévoit l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) de
l’OMC. La gouvernance consiste en un système d'apparence
démocratique. La gouvernance s'inspire directement de la «
corporate governance », la gouvernance d'entreprise, qui consiste en
l'ensemble des dispositifs institutionnels permettant de contrôler les
dirigeants d'entreprise pour veiller aux intérêts des actionnaires.
Transposée à des institutions politiques, la gouvernance vise à aligner
le comportement des politiques sur l'intérêt des multinationales.
La démocratisation des institutions, qui nous intéressera ici, s’inscrit dans la logique de l’histoire de l’Europe et de sa finalité. Démocratisation rime ici avec humanisation. Elle vise à mettre en place un système organisationnel pour l’intérêt des citoyens, avec une structure décentralisée, modeste, respectant le rôle des États dans leur domaine de compétence, et les différentes composantes culturelles de l'Europe. Elle passe par un Traité qui définit à la fois les buts de la construction européenne et les modalités de l’organisation du pouvoir, en rupture avec Maastricht, les traités suivants, la globalisation économique et la pensée unique, pour revenir aux fondements de l’Europe et à sa finalité, avec comme fil conducteur le polycentrisme, et le principe de la conjonction des opposés.
Il reste à trouver la position du curseur entre l'Union européenne et les nations, entre le développement de coopérations européennes à la carte (comme c'est déjà le cas pour Airbus, le CERN, ou certains projets militaires),une simple union (un modèle confédéral) et le modèle fédéral coopératif décentralisé du rapport Herman de 1994 (avec la possibilité de coopérations renforcées dans tel ou tel domaine, comme c'est le cas pour Airbus ou le CERN). Ceci devrait faire l'objet d'un débat citoyen à l'échelle de chacun des pays européens.
Modèle décentralisé implique un recentrage des missions de
l’Europe sur l’essentiel en accord avec le principe de subsidiarité :
par exemple, l’économie, la recherche, l’énergie, la sécurité, la
diplomatie, l’environnement. Modèle coopératif implique un
gouvernement européen dont la principale mission est d’inciter les
états à la coopération et à la coordination. La coopération et la
coordination s’entendent donc au sens d’un principe d’interdépendance
et du nécessaire dialogue entre les opposés. La coopération se situe à
l'opposé d'un principe de concurrence, base incontournable de
Maastricht et de ses avatars. La coordination se situe à l'opposé d'un
principe de subordination dans une structure centralisée au profit
d’une ouverture vers la notion de conjonction des opposés.
Derrière la notion de
polycentrisme, on retrouve indirectement le renoncement à la volonté de
pouvoir et de toute puissance par la reconnaissance de plusieurs pôles
périphériques tous inter reliés, en interdépendance. C’est au prix de
ce renoncement à la volonté de toute puissance que pourra exister une
démocratie représentative et participative (élections d’une part,
dialogue entre les instances décisionnelles et la société civile
d’autre part).
Polycentrisme, modèle coopératif décentralisé, interdépendance, renoncement à la volonté de prédation et de pouvoir, séparation des pouvoirs, parité entre les domaines de symbolique masculine ou féminine si l'on se réfère au concept de la double-démocratie, conjonction des opposés, tous ces concepts sont en accord avec la nouvelle mutation en cours depuis un siècle, mutation qui tend maintenant à se concrétiser. Nous sommes déjà dans l’ère de l’information et de la communication. Nous commençons à réaliser que nous entrons dans l’ère de l’interdépendance, dans l’ère de la conjonction des opposés, dans une ère de conscience. D’où une nécessaire redéfinition du concept de développement durable (comme par exemple le développement vertueux) avec ses quatre composantes : écologie psychique (en référence aux besoins spirituels), préservation des écosystèmes, composante économique et sociale. Ce qui implique une remise en question du mode de vie occidental et de la société de consommation, l'acquisition du bien-être matériel n'étant qu'un moyen pour aider l'homme à évoluer en conscience, avancer sur le chemin de l'individuation, renouer avec la dimension sacrée, s'ouvrir au monde de l’Imaginal et vivre en harmonie avec la nature.
Imaginons comment aurait pu évoluer la construction européenne si l'Europe avait accompagné la troisième mutation.
Le Conseil de l’Europe incarne les valeurs et idéaux de notre civilisation, avec la prise en compte de l'ensemble des besoins d'un être humain. Dotée d’une personnalité juridique, l’UE devra ratifier la convention européenne de sauvegarde et la charte sociale européenne révisée. Affirmer l’éthique de l’Europe suppose également :
La politique européenne commune de sécurité et de défense (PESD) doit être indépendante de l’OTAN. L’OTAN aurait dû disparaitre suite à la dissolution de l'URSS.
Conjuguer l’économique, le social et l’écologie, prendre en compte le principe de solidarité (avec la notion de services publics qui en découle) implique de renommer la Cour de justice en Cour de justice économique et sociale. Ceci permettra d’harmoniser la jurisprudence de la Cour de justice et de la Cour européenne des droits de l’Homme.
Il s’agit de préserver les services publics communautaires tout en
améliorant leur fonctionnement, et de protéger l’environnement. Il faut
au préalable une reconnaissance par le nouveau Traité de la notion de
services publics (la Commission ne parle que de service d’intérêt
général). Ces services publics sont fondés sur les principes de
l'universalité, de l'égalité d'accès, de la tarification équitable, de
la qualité, de la sécurité et de la justice sociale.
Elle serait composée du
Comité économique et social,
de représentants des Etats (le Conseil qui siégerait en public lors de
son travail législatif), des Parlements nationaux, du Comité des
régions. Les membres du Comité économique et social seraient
élus, et sa composition modifiée pour prendre en compte la notion de
besoins dans toutes ses dimensions :
1. Le tissu économique et social, avec les employeurs, travailleurs, et activités diverses (agriculteurs, PME et artisanat, professions libérales, coopératives et mutuelles...)
2. Un comité d’éthique, une sorte de comité des sages avec des représentants des diverses religions ou formes de spiritualité, des représentants de la communauté scientifique, de la magistrature, du corps enseignant, des intellectuels, des représentants du Conseil de l’Europe, des personnalités reconnues pour leur sagesse...
3. La société civile avec les ONG européennes dans différents domaines (éducation, social, santé, environnement...)
Cette chambre élirait trois Médiateurs (en référence à des concepts psychanalytiques jungiens).
Le
Médiateur « Mercure » présiderait la Banque centrale
européenne, la Cour des comptes, la BERD, l’office de lutte antifraude
indépendant (OLAF). Il serait le garant d’une relative stabilité des
prix, mais son rôle ne se limiterait pas au contrôle de l’inflation. Il
serait responsable de la coordination des politiques monétaires,
budgétaires et fiscales avec une convergence de la fiscalité des
entreprises pour éliminer la concurrence fiscale. Le Médiateur
« Mercure » serait l'autorité morale chargée de
contrôler les comptes de l'Etat et les équilibres budgétaires. Par
ailleurs, au lieu de se contenter d’un traitement social du chômage
(emplois jeunes, travail précaire, emplois flexibles ou précaires...),
la politique économique et monétaire serait conçue comme un instrument
pour financer une croissance verte et lutter contre le
chômage, selon le monétarisme proposé par Maurice Allais (la
création monétaire ne doit pas servir à financer des déficits
budgétaires car cela serait générateur d’inflation). De grands
travaux pourraient ainsi être financés par la politique monétaire,
contribuant à une croissance verte (selon la proposition de la Fondation Hulot) et au rattrapage de la partie centro-orientale par rapport à la partie occidentale de l'Europe.
Le
Médiateur « Senex » présiderait la Cour de justice économique
et sociale (le nombre de juges, nommés d’un commun accord entre les
chefs d’Etat et de gouvernement, serait limité, mais tous les Etats
membres pourraient être représentés en tenant compte également des
avocats généraux). Il présiderait également une direction générale pour
la planification-programmation industrielle à long terme (dans le cadre
d'une décarbonisation progressive), la prospective sur l'énergie
et les transports, la réflexion sur les institutions et les
négociations pour les élargissements. Il pourra être saisi par tout
citoyen ayant à se plaindre du mauvais fonctionnement d’une institution
de l’Union européenne, reprenant ainsi les fonctions de l’actuel
Médiateur. S’il existe un Parquet européen, on ne créerait pas pour
autant une juridiction de jugement : les jugements seraient rendus
devant les tribunaux nationaux compétents.
Le Médiateur « Puer » présiderait une Commission de la
communication (télévision, presse et médias). Il veillerait à la
liberté et à la qualité de l’information. Il serait une autorité morale
responsable de la qualité de l’information et de la diffusion du
savoir, en particulier par le développement d’une télévision
européenne, d’une chaîne d’information continue, et la promotion de
l’industrie audiovisuelle. Il aurait une mission culturelle visant à
l’élaboration de programmes européens. Il devrait contribuer à la
connaissance et à la diffusion de la culture et de l’histoire des
peuples européens, comme au développement de programmes audiovisuels
européens. Il encouragerait les échanges culturels, la création
artistique et littéraire, et la coopération entre Etats membres. Il
stimulerait la création d’un espace culturel européen, le développement
d’une conscience et d’une identité culturelle européenne, et le
développement d'une société civile européenne. Il favoriserait des
coopérations scientifiques dans les programmes nationaux et assurerait
la mise en œuvre d’une politique commune de recherche et d'innovation
(en particulier le développement des énergies renouvelables et de la
recherche scientifique dirigée vers les problèmes écologiques) en
proposant un programme cadre d’après les travaux des comités d’experts,
des comités consultatifs spécialisés et de la direction générale
chargée de la recherche et de la technologie.
Les trois Médiateurs seraient responsables devant la Chambre des médiateurs.
Il obtiendrait un vrai pouvoir législatif avec droit d'initiative. Le
processus de codécision serait généralisé, avec possibilités de
nouveaux amendements à toutes les étapes de la procédure. Les députés
européens devraient être élus par des listes transnationales avec une
procédure uniforme dans tous les pays pour contribuer aux mêmes débats
sur les enjeux européens, et débattre plus particulièrement de la
subsidiarité, ce qui ne doit pas relever de l'Europe (donc maintien
d'une souveraineté des Etats), et de ce qui doit être traiter ensemble
(souveraineté partagée).
Si on s'inspire du modèle de la
double-démocratie,
le Président et le Chancelier seraient élus par le Parlement européen.
Ils tireraient ainsi leur légitimité des élections au Parlement
européen, avec pour chacun de domaines de compétence.
Le Président pourrait avoir en charge l'organisation
du marché intérieur, la coopération policière et Eurojust
(unité composée de procureurs et d'officiers de police, prélude à un
véritable Parquet européen, avec comme objectif l’organisation d’un
espace judiciaire commun et l’unification des procédures pénales pour
protéger l’Europe contre la fraude, la corruption, le terrorisme et la
criminalité), la défense (une défense européenne autonome, indépendante
de l’OTAN).
Le Chancelier pourrait avoir en charge la coordination des politiques pour la
promotion de la santé,
la préservation des écosystèmes, la protection des minorités, la
protection civile, l’immigration, l’aide humanitaire. Le terme de
Chancelier fait référence au Matricien de la double-démocratie. C'est
un nom a priori plus approprié même s'il peut faire référence à
diverses fonctions : chef de gouvernement, ministre des finances, garde
du sceau royal, directeur d'hôpital, recteur d'université.
Le
Président, le Chancelier, les Présidents du Parlement et du Sénat, les
trois Médiateurs, les chefs d’Etat ou de gouvernement se
réuniraient régulièrement au sein d’un Conseil européen. Le
principe de subsidiarité s’exercerait en amont, au niveau du Parlement
européen, au niveau du Conseil européen, et en aval, au niveau de
la Chambre de la société civile (ou Chambre de subsidiarité). Le
Président, le Chancelier et les trois Médiateurs présideraient ce
Conseil européen. Ils seraient responsable devant leur Chambre
respective. Ils auraient un rôle d’impulsion, d’orientation,
d’animation, de coordination, tout en étant les garants des principes
de la finalité de la construction européenne.
La
Commission représente l’intérêt communautaire, sa mission est donc en
particulier de favoriser la coopération et coordination entre États et
euro-régions. Autant le Sénat (Chambre des médiateurs, ou Chambre de
subsidiarité) représente les États, les régions et la société civile,
et s’organise donc sur le principe d’égalité entre pays (une voix par
État, grand ou petit), autant la Commission doit refléter
l’organisation polycentrique de l’Europe, de même que le Parlement
européen est structuré non pas sur des groupes parlementaires nationaux
mais sur des groupes politiques européens.
La Commission doit être dénationalisée (rappelons que tous les pays
sont représentés en permanence au niveau du Conseil européen et
du COREPER), chaque commissaire
oeuvrant pour favoriser le polycentrisme intra-européen, et non pour
défendre les intérêts de son pays d’origine (les pays non représentés à
la Commission pourraient se réunir régulièrement avec les commissaires
de leur euro-région correspondante, en particulier lors des réunions du
COREPER). L’organisation de la Commission doit refléter la
structuration de l’Europe en zones géographiques et/ou
anthropologiques. La taille de la Commission doit être réduite pour
préserver son efficacité. Le nombre d’une quinzaine de commissaires
représente un chiffre maximum.
La répartition des commissaires se ferait par grands ensembles de
population (grand pays ou euro-région) pour représenter le
polycentrisme d’une l’Europe parvenue au terme de son élargissement (ce
polycentrisme a vocation à remplacer l’axe franco-allemand ou toute
tentative de prise de pouvoir par 3 ou 5 grands États contre des
petits pays). Ces euro-régions permettraient par ailleurs de résoudre
plus facilement le problème des minorités en Europe centro-orientale et
balkanique. L’organisation suivante représente une proposition visant à
assurer une représentation équilibrée entre Europe occidentale et
orientale, région baltique et méditerranée occidentale (dans ce schéma,
on peut discuter sur la place de l'Irlande dans la zone de l'arc
médian, de la Suisse aux Pays-Bas, zone où coexistent différents
systèmes familiaux avec en particulier la forme hybride de la famille
souche incomplète, mais il existe de fait dans ce pays coexistence de
la famille souche avec, non pas la famille nucléaire égalitaire, mais
la famille nucléaire absolue) :
- Finlande, Suède, Norvège, Estonie, Lettonie, Lituanie, Danemark : 2 commissaires
- Pologne, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie, Autriche, Croatie, Slovénie : 3 commissaires
- Suisse, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Irlande : 2 commissaires
- Chypre, Malte, Grèce, Albanie, Macédoine, Bulgarie, Roumanie, Bosnie, Serbie, Monténégro : 3 commissaires
- Espagne, Portugal : 1 commissaire
- France : 1 commissaire
- Italie : 1 commissaire
- Allemagne : 1 commissaire
La Commission deviendrait un organe purement administratif, dépolitisé,
uniquement chargé de l'exécution des décisions prises par le Conseil
européen. Chaque commissaire serait responsable individuellement. La
Commission serait scindée en cinq unités. Cette scission de
la Commission en cinq sous unités permettrait une meilleure efficacité
des travaux préparatoires, les décisions se prenant en réunissant
l’ensemble des commissaires. Le président de la Commission n’aurait pas
de fonction politique mais comme mission spécifique d’assurer la
communication et la coordination entre les différentes sous unités de
la Commission. La Commission étant un organe supra-national (peut-être
vaudrait-il mieux utiliser le terme trans-national), son président
devrait tout naturellement être choisi par les cinq représentants du
pouvoir (Président, Chancelier, et les trois Médiateurs) avec l'aval du
Parlement européen.
Les cinq unités seraient les suivantes :
Une sous la responsabilité du Chancelier avec 3 commissaires :
Une sous la responsabilité du Président avec 3 commissaires :
Une sous la responsabilité du Médiateur « Mercure » avec 3 commissaires :
Une sous la responsabilité du Médiateur « Puer » avec 3 commissaires :
Une sous la responsabilité du Médiateur « Senex » avec 3 commissaires :
Il serait attribué au Parlement européen, à la Chambre de la société civile, au Conseil européen (tous les membres de ces trois institutions bénéficient d’une légitimité démocratique), à un nombre représentatif de citoyens. Le droit d'initiative serait retiré à la Commission.
En réalité, actuellement, du fait de la pensée
unique, une telle construction est actuellement impossible. On ne peut
qu'imaginer une évolution par une
construction en cercles, avec un noyau dur constitué d'un nombre
restreint de pays désireux de s'engager dans un projet politique en
accord avec la troisième mutation. Ce qui suppose de se questionner sur
les valeurs auxquelles nous souhaitons nous référer, et une volonté des
citoyens pour construire un idéal communautaire.