Le monde est dans un grand état de désordre. Désordre financier et monétaire, absence du droit international, hubris (démesure, violence, atteinte au droit, violation des règles et des lois...) et volonté de prédation de la part de diverses grandes puissances (depuis le colonialisme européen jusqu'aux Etats-Unis, la Russie, la Chine, l'intégrisme islamique....) ou d'intérêts privés (hyperlibéralisme et turbocapitalisme, thanatocapitalisme, pathocratie...), destruction des ecosystèmes.... L'ONU sous sa forme actuelle n'est plus crédible. L'ONU a été fondée sous l'impulsion des Occidentaux, et plus particulièrement des USA. Elle comptait 50 pays en 1945. Trois faits montrent l'importance de son rôle effectif :
- Son universalisme: elle a réuni pratiquement tous les pays de la planète (les USA n'ont jamais été membres de la Société des Nations)
- Elle a contribué à définir la notion des droits de l'homme
- Elle a facilité la décolonisation.
Mais tout ceci apparaît cependant bien décevant au regard des nombreux problèmes auxquels elle doit faire face, et de ce qui aurait pu ou aurait dû être fait :
1/ Tout d'abord, il est extrêmement difficile de gérer une organisation où sont représentés quelques 193 pays. C'est la rançon de l'universalisme
2/ Nombre de pays qui y siègent ne sont pas démocratiques (il suffit d'être un pays indépendant pour être admis).
3/ Le rapport du nombre d'habitants du pays le moins peuplé à celui du pays le plus peuplé va de 1 à 10.000! La population d'un quart des pays membres est inférieure à un million d'individus
4/ Durant la guerre froide, elle est devenue le lieu d'affrontement des deux super-grands et un organe de relais pour leur propagande politique
5/ L'ONU est en état de crise financière permanente, du fait de la faiblesse de son budget et du retard de cotisation des Etats membres
6/ Il y a une absence de cohésion, une prolifération d'institutions spécialisées qui se chevauchent et font double emploi, avec une absence de coordination. Toutes ces incohérences « entravent même la coopération internationale ». Cette complexité a valu à l'ONU le qualificatif de « monstre préhistorique ». Ces critiques sévères émanent du rapport Bertrand en 1985, et du « rapport des 18 » en 1986.
7/ L'ONU est une organisation internationale fondée sur le libéralisme économique. En 2019, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, et le Président du Forum économique mondial, Klaus Schwab, ont conclu discrètement un vaste partenariat, donnant une place de choix aux multinationales dans le processus décisionnel onusien.
Il résulte de tout cela un manque d'efficacité, une absence de consensus politique, une marginalisation de l'action et de l'influence de l'ONU, incapable de « maintenir la paix et la sécurité internationales », ou de lutter contre l'extension de la pauvreté et la progression de l'analphabétisme dans le monde. Par ailleurs, la plupart des institutions des Nations Unies étant directement financées par les contributions des Etats membres, l'absence de consensus politique a notamment conduit autrefois la France à refuser de financer les opérations de maintien de la paix au Congo, et, encore aujourd'hui, au refus de plusieurs pays de contribuer au financement des missions de casques bleus lorsqu'ils ne les approuvent pas. Cette absence de consensus a conduit l'OMS à une déviation de ses objectifs, ou encore tels pays à suspendre le versement de leurs cotisations à certaines des institutions qui en dépendent, telle que l'UNESCO, lorsqu'ils estimaient ne pas avoir à soutenir financièrement des décisions prises par une majorité discutable à leurs yeux.
L'ONU, dans son fonctionnement actuel, n'est pas basée sur le respect du droit mais sur la stratégie des grandes puissances militaires qui dictent, en fonction de leurs intérêts, les règles du jeu pour le maintien du statu quo plutôt que celui de la paix. La Cour internationale de justice est restée hors jeu. On note même un déclin des déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour internationale de justice. Dans son discours de Munich en 2007, Vladimir Poutine critiquait les Etats-Unis pour leur tendance à transformer leur droit interne en droit international.
Une nouvelle organisation internationale (qui pourrait être une
organisation des peuples du monde) doit voir le jour pour garantir les
valeurs, non pas de la pensée unique et d'un monde unifié par un
gouvernement mondial qui dicte ses règles et ses normes, mais celles de
la mondialisation
dans son
essence, de l'interdépendance des humains et des peuples dans un monde
multipolaire basé sur la diversité des cultures et des civilisations. L’ONU doit retrouver les valeurs de sa charte :
abandonner l'actuelle forme de gouvernance, renoncer à la
prédation et à la force dans les relations internationales, assurer la
primauté de la
justice et du droit international, veiller au droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes et au respect des droits fondamentaux de l'homme
(l'actuelle Commission des droits de l'Homme de l'ONU n'a aucune
crédibilité), favoriser le progrès économique et social, réformer le
système monétaire international, d'assurer la coopération dans un monde
multipolaire avec un principe de subsidiarité. Après la Société des
Nations, puis
l'ONU, il s'agit, non pas de réformer l'ONU, mais de fonder une«
organisation mondiale de troisième génération » (Maurice Bertrand).
Critiquant la politique libre-échangiste de l’OMC et de
l’administration de Bruxelles, Maurice Allais préconise que toute
libéralisation économique de grande envergure ne s’effectue, dans
l’immédiat, qu’à un niveau régional entre des pays dont l’état de
développement économique et social est relativement proche, et non à
l’échelle mondiale. Sans pour autant s’enfermer, il s’agit d’assurer
une protection raisonnable vis-à-vis de l’extérieur, et contre la
concurrence déstabilisatrice de pays n’ayant pas les mêmes
impératifs sociaux. Des protections aux frontières permettraient de
protéger les productions agricoles locales afin d’assurer sécurité et
souveraineté alimentaire au sein de chacun des ensembles régionaux. On
peut ainsi espérer que le niveau de protection sociale s’élève
progressivement à l’échelle de la planète.
Une Organisation internationale
du commerce (l'OIC telle qu’elle aurait dû voir le jour après 1945)
prendrait en compte les disparités des conditions de production par
l’introduction de clauses sociales non protectionnistes destinées à
inciter le respect et l’application des recommandations de l’OIT
(Organisation internationale du travail) pour la protection des droits
de l’Homme, l’amélioration des conditions de vie et de travail, et le
développement de la protection sociale. Des « droits
compensateurs » réguleraient les échanges entre les différents
blocs régionaux de manière à permettre le développement
socio-économique. Le tout devrait s'inscrire dans une croissance verte et une protection de l’environnement à l'échelle mondiale, dans le cadre d'un monde multipolaire.
L’OIC stabiliserait le cours des matières premières et des ressources énergétiques à leur juste niveau afin d'assurer un approvisionnement régulier et de maintenir un cours permettant aux pays producteurs de se développer. Elle aurait pour objectif de réduire l’écart des richesses entre une douzaine d'ensembles régionaux, d’accroître la protection sociale dans les pays en voie de développement, d’établir une coopération économique, monétaire, écologique et scientifique en répartissant les efforts proportionnellement aux richesses. Les échanges seraient ainsi organisés entre de grandes zones homogènes du point de vue des niveaux de vie et de la protection sociale.
Si
tous les êtres humains se comportaient comme les européens ou les
américains, les ressources de la planète seraient rapidement épuisées.
Le développement conjoint du Nord et du Sud implique une remise en
cause du mode de consommation occidental, un mode de vie non
durable. Ceci implique une prise de conscience, à l’échelle de chacun,
de sa responsabilité et de son appartenance à une planète qui est notre
bien commun et dont il faut prendre soin. Ceci
implique également une prise de conscience de la part des gouvernants
que la prévention des conflits et des guerres est un préalable à la
préservation des éco-systèmes. Il appartient également aux
médias de participer à cette prise de conscience. La préservation de la
santé ( « One World, One Health » ) passerait par une coopération
encore plus étroite entre l'OMS, la FAO (l'agence des Nations Unies
pour l'agriculture et l'alimentation), l'OIE (l'organisation mondiale
de la santé animale) et l'UICN (l'union internationale pour la
conservation de la nature). Par ailleurs, l'OMS doit être réformée pour
être libérée de la corruption et de toute influence par des lobbies privés, comme cela a été le cas pour la gestion de la crise de la Covid 19, et comme c'est le cas avec les projets d'ingérence de l'OMS concernant l'éducation sexuelle des enfants en Europe, ce qui n'est pas fondé sur la forme (cela va à l'encontre d'un principe de subsidiarité) et sur le fond.
L’organisation des échanges est impossible dans un système de changes
flottants. Maurice Allais préconise d’assurer des taux de change
d’équilibre, et de rendre impossible les variations perverses des taux
de change.
Les politiques contre productives du FMI montrent que cette institution
doit être réformée. Une banque mondiale pour le développement
serait chargée de la gestion coordonnée de la douzaine de monnaies
régionales avant que ne soit éventuellement créée une monnaie
internationale comme le « bancor », ainsi que l’avait
imaginé J.M. Keynes en 1944, ou les Droits de tirage spéciaux, ou
encore l'étalon or, c'est à dire dans le principe, une monnaie qui ne
soit pas une monnaie nationale (ce qui signifie mettre fin aux privilèges du dollar et entamer une
dédollarisation du monde)
au fur et à mesure de la convergence politique et économique des
ensembles régionaux. Cette banque mondiale doit être contrôlée par un
monde multipolaire.
Le
rétablissement d’un certain contrôle sur les mouvements de capitaux
nécessiterait la suppression des paradis fiscaux et une lutte
contre la spéculation à l’échelle mondiale. Les paradis fiscaux sont
des plaques tournantes de la corruption, de l’évasion fiscale, du
blanchiment de l’argent et du terrorisme. Ces paradis fiscaux
entraînent par ailleurs une distorsion de concurrence. Quant à la lutte
contre la spéculation à l’échelle mondiale, une « taxe
Tobin » de 0,2 % sur les opérations de change pénaliserait les
mouvements spéculatifs à court terme sans avoir d'impact réel sur les
investissements à long terme. Allais propose quant à lui l’imposition
des revenus spéculatifs.
Une telle réforme au niveau international pourra ainsi s’opposer à
l’actuelle dictature des marchés financiers qui est la conséquence
d’une part de la libération des mouvements de capitaux, d’autre part de
la diversification de investisseurs institutionnels qui ont des moyens
financiers très largement supérieurs à ceux de n’importe quelle banque
centrale. La finance doit être mise au service de l'économie et du
développement social, humain et environnemental.
A l’encontre de la situation actuelle où des guerres sont régulièrement déclarées en violation du droit international (Congo, Kosovo, Irak, Libye, Ukraine...), où seulement un tiers des Etats membres de l’ONU et un des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité reconnaissent la Cour internationale de justice, cette juridiction, reflet d’un ordre juridique multipolaire, devrait avoir un rôle renforcé pour garantir la primauté du droit sur la force. Tous les ensembles régionaux reconnaîtraient la Cour internationale de justice ainsi que la Cour pénale internationale. La compétence de ces juridictions serait obligatoire.
Les conflits devraient être gérés par le droit. La Cour Internationale
de Justice serait complètement indépendante des Etats, et
représenterait tous les systèmes juridiques de toutes les
formes de civilisation, elle serait confortée dans son rôle
légitime : celui d'assurer le maintien de la paix, la défense des
droits de l'homme et des peuples, la bonne marche de la
justice, le respect de l'équité, la condamnation de tout régime
totalitaire; elle devrait être capable de juger non seulement des Etats
mais aussi des dirigeants politiques responsables de crimes
contre l'humanité, de désastres économiques, écologiques, de
corruption, de massacres, de guerres. On ne peut pas établir des
conventions internationales sur le climat sans établir au préalable un
système de prévention des conflits et des guerres.
Le nouveau Conseil de sécurité pourrait être constitué non plus de cinq
pays mais d’un représentant de chaque entité régionale (Afrique noire,
Amérique latine, Indonésie et Malaisie, Asie du Sud-est, Russie, Chine,
Europe, Inde, Etats-Unis, Japon et Corée, Monde arabo-musulman de
l’Afrique au Moyen-Orient, peuples autochtones...). Il serait l’organe
chargé d’exécuter les décisions de la Cour internationale de justice.
Il disposerait d’une force militaire issue des entités régionales (et
non d’arbitres en uniforme, simples témoins des affrontements), capable
d’intervenir lors d’un conflit ou de lutter contre le terrorisme. Le
droit de veto serait supprimé (l’hégémonie des cinq membres permanents
du Conseil de sécurité qui disposent d’un droit de veto mine le droit
international, alimente les volontés hégémoniques et la prédation), car il n’aurait plus de raison d’être dès lors que la
Cour internationale de justice exercerait la plénitude de ses droits.
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L’ensemble de ces réformes contribueraient alors à préserver les peuples de la guerre, à développer le sentiment de l'interdépendance des peuples du monde, à favoriser le développement démocratique et économique de tous, à faire respecter les droits de l’Homme, à limiter le commerce international des armements, à promouvoir la santé, les valeurs humaines, sociales et culturelles, et à défendre l’environnement en protégeant l’avenir de l’humanité à très long terme. Ce n’est qu’ainsi que le terrorisme pourra réellement être éradiqué, et les migrations pour des raisons de pauvreté n'auraient plus lieu d'être.