LE  DÉFICIT DÉMOCRATIQUE DE L'EUROPE

 
 

Le déficit démocratique résulte d’un ensemble de facteurs : 

Le transfert de compétences, depuis des États supposés démocratiques vers des institutions européennes, devrait impliquer une exemplarité de ces dernières. Or, il n'en est rien, bien au contraire. La construction européenne s’effectue par un transfert de compétences d’États démocratiques vers une Commission à faible contrôle démocratique tandis que la Banque centrale européenne conserve une maîtrise absolue de sa politique monétaire hors de tout contrôle démocratique. L'absence de réel débat, le pouvoir de la Commission, le poids du lobbying, la corruption, la sujétion de la Commission aux multinationales, les décisions de la Cour de justice européenne selon l'interprétation des traités, le statut de la Banque centrale, la tendance à l’uniformisation, la tendance hégémonique des grands pays vis-à-vis des petits pays, le double langage des traités, tout ceci complète le tableau du déficit démocratique de l’Europe. La démocratie est ainsi remplacée par le concept de gouvernance

La situation est analogue à celle d'un patient qui prendrait depuis 1984, en toute ignorance, un remède non seulement inapproprié, mais de surcroît toxique, et verrait ainsi sa vitalité sans cesse décroître. Car depuis 1984 (le rejet du traité Spinelli), l'Europe s'est construite dans l'opacité et le mensonge (la face sombre du principe mercure). Un terreau favorable pour gérer la crise de la Covid 19 par la peur, le mensonge et les abus de pouvoir.

Ce « déficit démocratique » cache en fait une nouvelle forme de  servitude, une servitude dont nous sommes plus ou moins conscients, car elle s'est installée de façon progressive et insidieuse depuis le début de la construction européenne, et par ailleurs, son apparence est différente de l'esclavage durant  l'ère du colonialisme. Selon Jacques Ould Aoudia, nous vivons depuis le début des années 1980 la transformation d'un système capitaliste de création par l'innovation, vers un système capitaliste de prédation. Et pour Xavier Ricard Lanata (La tropicalisation du monde), les populations occidentales elles-mêmes sont devenues la proie de ce capitalisme de prédation. L'Europe est devenue une colonie soumise aux appétits d'un marché totalement dérégulé, et elle entame ainsi un processus de déshumanisation : 

Derrière le « déficit démocratique » de l'Europe, derrière  une apparence de démocratie et un déficit de débat politique (tout comme, sous l'effet de la pensée unique, le débat contradictoire, sur le plan médical, a été éliminé dans la crise de la Covid 19) se cache en réalité une disparition de la démocratie (une façade de démocratie fait simplement illusion) sous l'effet d'un processus mortifère délibéré et planifié de longue date en lien avec la face sombre du principe mercure, un processus de déshumanisation qui exploite et détruit le vivant sous toutes ses formes. 

Nous subissons depuis l'Acte Unique l'engagement de l'Europe dans le néolibéralisme, ou plutôt, suivant Jacques Bouveresse, dans un hyper libéralisme qui est fondé sur plusieurs éléments : le pouvoir d'une oligarchie politique et financière, la dénonciation de l'Etat providence, la promotion de l'économie de marché (les marchés doivent se réguler eux-mêmes par le jeu de la concurrence), la primauté de l'économie sur le politique, une légitimité censée reposer sur le déterminisme d'une pseudo science économique contre laquelle il serait vain de se révolter. Nous vivons dans la servitude d'un système oligarchique politique, médiatique et financier. Les peuples n'ont plus leur mot à dire face à des dogmes  économiques. L'emprise de l'OTAN sur l'Europe accentue encore cette servitude.

Sous la contrainte de cet hyperlibéralisme, la France a ainsi initié une politique de délocalisation, de désindustrialisation, de démantèlement des services publics, perdant alors sa souveraineté sur des secteurs stratégiques, en particulier dans le domaine sanitaire. Une grande partie des médicaments sont fabriqués en Chine ou en Inde. Les services publics ont été laminés, l'hôpital a été progressivement et systématiquement démantelé. L'hôpital est à bout de souffle depuis des années, et la densité médicale sera déficitaire jusqu'à au moins 2030. Déjà mal en point du fait des restrictions budgétaires, l'hôpital est rapidement mis sous tension et au bord de la rupture à la moindre crise sanitaire, comme c'est le cas chaque année. Il faut bien sûr redonner des moyens à l'hôpital. Les mesures à mettre en place sont connues, mais on ne le fait pas. On ne le fait pas car les gouvernements seraient alors en contradiction avec les dogmes économiques poursuivis depuis plus de 30 ans et qui ont conduit au démantèlement des services publics d'une manière générale, et de l’hôpital en particulier. On ne le fait pas car il faudrait alors avoir l'honnêteté de reconnaître que les mesures politiques entreprises et reconduites de gouvernements en gouvernements depuis plus de 30 ans vont à l'encontre des intérêts de la société et sont destructrices. Et il faudrait avoir l'honnêteté de reconnaître que l'Europe devrait se construire selon d'autres modalités que celles initiées par les traités successifs depuis l'Acte Unique de 1986.  En conséquence, les Etats ont perdu leur souveraineté monétaire, l'endettement public s'est creusé, les Etats sont tombés sous la coupe des marchés financiers.  Ils peuvent de plus être poursuivis par les multinationales au travers des tribunaux d'arbitrage internationaux créés par les accords de libre échange. L'information est par ailleurs contrôlée par des médias sous contrôle d'intérêts privés. Les conflits d'intérêts sont omniprésents. Le néolibéralisme est devenu tout puissant, sans être contraint par une politique sociale, environnementale et de santé. Et même en cas de crise financière comme en 2008, ce sont encore les citoyens qui sont sacrifiés pour sauver les banques.

Par nature, ce modèle  économique et financier ne peut pas se réformer parce que son logiciel est « toujours plus ». Toujours plus de gains, toujours plus de profits, toujours plus d'inégalités aussi. Même s'il y a une crise, il faut que le système perdure. Ce système là ne veut pas disparaître. Mais en restant dans cette logique, de nouvelles crises apparaîtront, et elles seront de plus en plus violentes. Il y a donc un modèle néolibéral qui se meurt mais qui résiste au changement.

Au-delà de remédier au « déficit démocratique », il s'agit de fonder un développement vertueux de nos sociétés.

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 Les institutions européennes

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